On achève bien les livres... mais pas tous !
Si on aime les classements de type manichéen (et qu'on a un peu d'humour), on pourrait dire qu'il y a 2 types de livres : celui qu'on aime et celui qu'on n'aime pas... Un poncif en littérature veut qu'un auteur peine à parler des livres qu'il écrit; le lecteur serait-il un tant soit peu gêné lorsqu'il s'agit d'évoquer les livres qu'il aime ? On sait pourquoi on a aimé un livre, mais il parait tout de suite plus délicat de dégager parmi les livres qu'on aime des traits communs expliquant le pourquoi de notre engouement. Comment se peut-il qu'en quelques pages on soit pris, embarqué (vocabulaire qui souvent nie l’intentionnalité du lecteur, on y reviendra) dans une histoire, alors qu'un autre livre, durant le même laps de temps, provoquera gêne, inconfort et surtout ennui ? "Le style", entendrons-nous souvent, cet ensemble mal défini qui serait finalement une notion très proche de ce qu'on appelle le caractère chez l'homme. On serait donc sensible aux mots choisis par l'auteur, à leur densité, à la puissance évocatrice de ceux-ci et d'autres facteurs qui inscrivent l'œuvre dans un registre et une temporalité. Néanmoins on pardonne facilement les faiblesses du style si l'histoire proposée nous plait, peu importe les longueurs, la pauvreté du vocabulaire et le manque de visée littéraire, on suit l'auteur coûte que coûte dans l'univers qu'il nous propose... L’explication n’est donc pas suffisante.
Je pense au contraire que chaque lecture crée un contrat entre un lecteur et un auteur: voilà ce en quoi je crois, dis-moi si tu es d'accord, dirait-il. Au lecteur le choix d'adhérer. Je vais te faire peur, voici ce qui m’effraie, et toi ? Je vais te faire voyager, t'exciter... D'une façon assez prosaïque, je crois que lorsqu'on aime un livre c'est peut-être simplement qu'on ressent quelques affinités particulières avec la personnalité de celui qui l'a écrit, ses idées. Serait-ce si étonnant de se découvrir des points communs avec les auteurs de nos livres préférés ? On se sent proche d'eux. On lit moins de classiques, leur style nous rebute, est-ce parce que les préoccupations, desiderata, des auteurs du 18e sont trop éloignées des nôtres ? Ils appartiennent à une époque lointaine et révolue et la littérature en fin de compte est ancrée dans son siècle et rassemble des contemporains qui se ressemblent.
Aimer un livre, c'est quelque part aimer son auteur, et les mots ne sont jamais anodins, ils portent en leur coeur notre vision du monde, comment on perçoit le réel. Lire c'est le monologue d'un auteur durant lequel on confronte nos perceptions pour voir si elles s'accordent. Pourquoi l'ennui domine-t-il lorsqu'on n'aime pas un livre ? C'est que nos visions échouent à s'harmoniser et, selon les principes mathématiques, l'union de deux ensembles qui n'ont aucun élément en commun, c'est le vide, pas de caisse de résonnance en nous, on referme le livre. Du moins, c’est ce que je crois et si vous n'êtes pas d'accord vous pouvez user de votre droit de rétraction de lecteur avant la fin de l'histoire, la fin du contrat. Trop tard.
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