Écrire, c'est comme courir un marathon
10 conseils pratiques pour devenir un écrivain demain dans le contexte d'aujourd'hui...
L'écriture est un art qui reste auréolé d'un certain prestige, il fascine encore, chose étonnante dans un pays qui comptera bientôt autant d'auteurs que de lecteurs... Il existe un mythe de l'écrivain, qui traite du génie, de personnalités d'exception, d’êtres solitaires en proie aux tourments de la créativité... C'est plaisant, romantique à souhait, suranné, charmant, mais évidemment plein de clichés et de fausses vérités dangereuses pour l'aspirant écrivain ...
Lorsqu'on parle d'écriture, ou de talent artistique de façon générale, la question de l'innée et de l'acquis ressurgit de son placard ancestral... Peut-on écrire sans un don congénital, des aptitudes secrètes, des prédispositions particulières ? Non, répondront certains, et de fait, ils étoufferont leurs moindres velléités d'écriture, effrayés par une seule idée, timorés, complexés, pensant manquer de ceci ou de cela pour rejoindre la caste décrite comme remarquable des teneurs de plumes. .. Si peu confiants, que leur supposé 1er échec, les convainc définitivement qu'écrire ce n'est pas pour eux; ils racontent penauds leur piteuse rencontre face à une demi-page, refusant obstinément de se remplir et croit que c’est là son éternelle caractéristique…
C'est mal s'y prendre. Soyez rassurés, écrire, cela s'apprend, c'est un entraînement comme un autre... Je ne suis jamais à l'aise dans la posture facile et flatteuse de bon conseiller, je n'ai aucune légitimité en tant qu’auteur, mais de l’expérience, j'écris depuis longtemps déjà (plus de 10 ans), des romans (j’en ai une dizaine derrière mois et autant devant) , c’est cette longue expérience que je veux partager avec vous, si aujourd’hui vous décidez d’écrire votre premier livre enfin. Moi qui ai pratiqué la course de fond pendant des années, j’aime établir cet étrange parallèle : écrire un roman c'est comme un courir un marathon.... Dans cet article nous ne parlerons pas des qualités de ce premier roman ni de son style, ce qui reviendrait à croire que de bonnes chaussures suffisent à passer la ligne d’arrivée… Non, il ne sera question que d’oser oser, de se préparer à l’écriture comme on se prépare à une course de fond, aller jusqu’au bout au travers de 10 conseils pratiques d’un écrivain marathonien.
« Pour bien écrire, il faut avoir beaucoup lu »
1 Lisez.
Un lieu commun qu'il ne faut pas arrêter de marteler : pour bien écrire, il faut avoir beaucoup lu. Être à l'aise avec les mots, s’être constitué une armée de réservistes, un vivier dans lequel piocher, notre cuisine personnelle, là où nos meilleures idées vont mariner à feu doux... Lire, en écriture, c'est avant tout bien s'alimenter, avoir un mode de vie littéraire sain.
2 Commencez petit. Cela peut paraître évident, mais on ne se lance pas tête baissée dans un roman-fleuve, ou une épopée romanesque en 10 volumes dès la première tentative… pas plus qu’on part sur 40 kms la première fois qu’on enfile ses chaussures de running ! Ce serait la meilleure façon de se décourager, de se casser les dents... L’écriture est un travail d’endurance, il faut bosser son souffle. Pour commencer, privilégiez les histoires courtes, les nouvelles, créez votre terrain de jeu délimité, votre bac à sable, lieu d’expérimentations où vous commencerez à installer une version miniature de votre univers, ses mots et ses thèmes chéris…
3 Choisissez vos moments. L'écriture est un exercice solitaire qui demande rigueur et concentration des qualités pas toujours compatibles avec un emploi du temps tumultueux (travail, famille...) Il s’agit de trouver le moment le plus adapté et de mettre en places de petits rituels qui constitueront des accroches solides le jour où la motivation manquera. Le calme du crépuscule, l’agitation d’un café, une tasse de thé à la main, la présence rassurante des livres, la bibliothèque, ou le sous-sol… c’est à vous de choisir là où vous vous sentirez le plus à l’aise pour écrire… Le bon moment, le bon lieu, c’est ce qu’on appelle le bon équipement en course à pied.
4 Persévérez. Écrivez et forcez le naturel. Pas d’envie, fatigué et peu motivé ? Allez-y quand même ! Vous risquez d’être étonné. En course, comme en écriture, seul le premier pas coute… prendre la plume, enfiler ses chaussures, les actes préparatoires créent la motivation. Il faut installer de ces cercles vertueux dont les effets dépassent les premiers apports. La créativité à des itinéraires surprenants, crée sans considération d’aucune sorte, on croit n’avoir rien à écrire, que c’est mauvais, aux innocents les pages pleines, il faut croire... Il est important de se fixer des séances d’écriture surtout au début de votre projet. 2h le samedi matin, deux fois la semaine en soirée ? Le rythme importe peu, c’est la régularité qui prime. D’abord, on se contraint, avant que cela devienne un automatisme et que seule la joie d’écrire nous porte, musclé aux mots, gonflé à la créativité. L’écriture aussi apporte son lot d’endorphine, de chimie portative qui fait qu’on reviendra à son bureau jour après jour.
5 Fixez-vous des objectifs. Posez-vous les bonnes questions d’emblée. Pour qui ? Pour quoi ? Écrivez-vous pour le plaisir, pour devenir écrivain, pour vous, les autres ? Il y a une tendance naturelle à vouloir viser une publication à compte d’éditeur, c’est normal, c’est le sas élite, la L1… les musiciens amateurs rêvent d’un concert et de premières parties prestigieuses, un joggeur régulier, de franchir la ligne d’arrivée de sa première course officielle…. Avoir un objectif, c’est sain, cela entretient la motivation, mais faites en sorte que celui-ci soit raisonnable. Il faut le diviser en étapes. Rappelez-vous, un marathon, ce sont des ravitaillements : 5, 15, 20, 30 kms, prenez des forces à chaque palier, savourez, soufflez, repartez de plus belle !
« Dans l’écriture, il existe une charge narcissique liée à l’activité quasi démiurgique d’être auteur»
6 Dominez-vous. Les grands sportifs vous le diront, à un certain niveau, le physique vaut tout autant que le mental. L’ennemi de l’auteur, c’est son ego, c’est contre lui qu’il faudra souvent lutter pour en contrecarrer les illusions. Car dans l’écriture, il existe une charge narcissique liée à l’activité quasi démiurgique d’être auteur. Il faudra accepter que votre travail si personnel, dans lequel vous vous êtes tant investi personnellement avec vos émotions et vos tripes, puisse être critiqué, et ce négativement. Ne croyez pas que vous aurez que des commentaires positifs ! Remballez donc votre ego, pour pouvoir accueillir sereinement les critiques, le point de vue de l’autre est important par sa différence et doit permettre de contrebalancer notre aveuglement égotiste. À un certain point, l’autre devient plus lucide sur le travail que l’on a fourni... Attention, également aux scories des premiers romans, les jeunes auteurs ont leurs travers, encore une fois c’est quelque chose de l’ordre de l’amour propre qui s’exprime : ils se croient exceptionnels, veulent se raconter, montrer leurs talents au monde…et se prennent bien souvent les pieds dans le tapis : des mots trop zélés, un style scolaire et boursouflé de premier de la classe qui veut se faire mousser , un roman en forme d’exutoire qui sent la biographie mal déguisée et qui n’offre pas la juste distance et une place… pour le lecteur . L’écriture doit se faire sans hargne, ni contre le monde, mais toujours avec la sérénité d’un maitre Zen.
7 Restez lucide. Vous voulez devenir écrivain ? Cela vous fait rêver et tant mieux. C’est noble. Trop de rêves aujourd’hui puent la médiocrité, pullulent d’images criardes et de plaisirs creux. Mais le rêve d’écriture doit être débarrassé de ses oripeaux romantiques pour pénétrer le réel. Il ne suffit pas de savoir écrire, d’avoir du talent, pensez à tout ce que l’écriture n’est pas. La littérature est devenue un business comme un autre, c’est un marché, où l’offre égale la demande. Être un artiste ne suffit plus, les ailes des poètes se font couper, raccourcir, l’atmosphère est plombée de basses contingences matérielles, on ne vole plus si haut, le monde matériel à de tristes préoccupations, concrètes, viles, prosaïques, mais nécessaires… Il faudra vendre, faire de la communication, du chiffre, du marketing, promouvoir, s'exhiber... oui, être écrivain c’est un métier et non un rêve.
8 Notez tout. Ne croyez pas que l’inspiration débarquera sous prétexte que vous l’attendez bien sagement dans une niche que vous avez conçue à son attention. Elle est imprévisible, voyez là comme un phénomène météorologique, vous ne savez pas quand elle va tomber, alors ayez toujours sur vous des récipients pour la récolter… Un petit carnet, votre téléphone… ne laissez pas vos bonnes idées fuir, prenez des notes, même sur le papier les idées s’accouplent, la création est un mouvement infini.
9 Observez. L’imagination ne tourne pas à vide, elle se nourrit du réel. Pratiquez toujours cette écoute active du monde, observez en silence, restez vigilant à l’inframonde, à ses multiples représentations ; croquez les gens, les lieux, n’hésitez pas à faire des portraits, des courtes descriptions de ce que vous observez. Vous ne savez pas de quoi seront faits vos prochains romans, restez curieux, apprenez encore et encore.
10 Épurez. Revenez sur vos textes sans cesse, on peut toujours tailler dans le gras. N’ayez pas peur de faire court, la littérature ne se mesure pas en kilos, sortez de l’angoisse des chiffres. Nombre de mots, de pages… la bonne longueur d’un roman c’est quand l’auteur a réussi à exprimer tout ce qu’il voulait dire. Laissez reposer un peu et éliminez les grumeaux, un bon texte confine à l’épure. Il ne doit y rester que l’essentiel…
J'espère que ces conseils pourront vous être utiles et vous aidez dans la course de votre premier roman. Néanmoins, gardez en tête qu’il n’existe pas de recettes miracles, est-ce que finalement l’écriture n’emprunte pas davantage à l’art culinaire, ainsi ce n’est pas tant la recette qui est importante, mais la passion et les qualités du chef... À vos marques, prêt, go !